SKILLS-ALLIANCE

Voilà quelques 4 années que les exercices sont déficitaires. Depuis 2 années, les dirigeants se succèdent sans réussir à redresser la société. L’actionnaire renonce à procéder à un nouvel apport financier rendu nécessaire par des capitaux propres largement négatifs ! Sa forte notoriété surexpose médiatiquement l’entreprise.

L’entreprise emploie un peu plus de 200 personnes. Elle fait appel à l’intérim pour s’adapter à un marché fortement cyclique.

Manager de transition, Directeur Général Délégué, je succède à un manager arrivé voilà 6 mois et venant d’être révoqué. La transmission des dossiers dure 3 jours et, sans tarder, il faut faire face aux échéances importantes qui approchent : 

• la nouvelle tarification annuelle applicable au 1^er février prochain qui doit être bouclée 3 semaines plus tard.
• la réponse à l’un des premiers distributeurs grand public représentant 14% du chiffre d’affaires qui annonce le déréférencement de tous nos produits.
• la finalisation du budget

Un bon système d’informations rend aisé l’analyse des marges par produit. La nouvelle tarification corrige les déséquilibres constatés dans la gamme dimensionnelle. Les chantiers de productivité et de maîtrise des coûts du semestre à venir sont clairement identifiés et intégrés, pour partie, dans le nouveau tarif. La hausse minime de celui-ci génèrera une revalorisation significative des marges. Ce premier défi, au timing extrêmement serré, sollicitant toutes les composantes de l’entreprise, mené avec succès dans les délais, va donner le tempo pour les actions futures. L’entreprise vient de conduire une remise en cause profonde de sa politique commerciale sous la contrainte externe du temps, le changement est en route !

Le second problème n’est pas aisé ! Quelle position tenir vis-à-vis de notre second donneur d’ordres qui nous menace de nous retirer 14% de votre chiffre d’affaires ? Tous les avis internes convergent ! Il nous faut accepter les diminutions de prix imposées par l’enseigne et conserver ce marché crucial pour la pérennité de notre activité. La mesure de déréférencement étant assortie d’un préavis de 6 mois, il n’y a pas lieu de céder à la panique. Toutefois, le courrier date déjà de 2 mois et l’immobilisme règne ! Un scénario « sans » est construit mettant en évidence :

• les sacrifices sur l’emploi direct
• le faible impact sur la couverture des frais fixes
• la latitude nouvelle vis-à-vis des enseignes concurrentes. Connu pour être le fournisseur majeur de l’enseigne « bas prix », nous étions devenus pour ses concurrents le principal responsable de la guerre des prix qu’ils se livraient. Nous étions cantonnés aux entrées de gamme et aux premiers prix ! Toute parution nouvelle de catalogue nous valait une invitation à la renégociation de nos prix et des marges arrières chez tous les distributeurs grand public.
• nos produits « premier prix » sont des produits conçus pour le milieu de gamme. Ils ont dérivé sous la pression des centrales d’achat et ont fait glisser l’ensemble de notre offre vers le bas de gamme.  L’abandon de l’enseigne permet de repositionner toute notre offre. En concevant et développant un produit «premier prix», nous allons pouvoir verrouiller le bas de notre échelle tarifaire.

C’est ce scénario nous amputant 14% de notre chiffre d’affaires qui sera retenu. Ce sera le scénario gagnant !

La réalisation du budget sera un moment privilégié pour plusieurs raisons :

• le budget s’inscrira dans un plan triennal industriel largement partagé.
• le middle management sera partie prenante dans son élaboration.
• le plan de ressourcing en pays low cost sera défini, quantifié et ordonnancé.
• la logistique qui constitue un poste important dans cette industrie est repensée. Les conditionnements des produits sont optimisés et améliorent la compacité des volumes transportés.
• le commercial s’ouvre de nouveaux horizons. La rupture avec les prix bradés est consommée.
• le budget constituera la feuille de route pour chacun des services. Les rôles et attendus sont connus de tous.
•  les deux mois dont nous disposions pour sa finalisation auront été bien employés !

Pourquoi un Manager de Transition ? Grâce à son expérience du retournement, à ses méthodes, à son obsession du facteur temps, son audace d’imaginer autre chose, sa capacité à entraîner et fédérer, le manager de transition initie les changements gagnants, met une société en ordre de marche puis … en marche !

Ces trois premiers mois partagés avec vous, lecteur, retrace le démarrage d’une mission de 14 mois. Rentabilité retrouvée au 5^ème mois de la mission, objectif de l’actionnaire atteint, entreprise cédée à un investisseur aujourd’hui toujours très heureux de son acquisition constituent la success story de cette aventure !

Philippe Despas

Photo extraite de www. lemobilierauthentique.fr