Crise et performance durable
Conférence sur le Management de Transition

Bilan Carbone® et Management de Transition

Réunion CO2 SolidaireRésumé : Les retombées concrètes des milliers de Bilan Carbone® réalisés depuis 2004 sont généralement décevantes, loin de leur potentiel en termes de gains financiers, de réduction d'émissions de gaz à effet de serre et d'amélioration de l'image des entreprises. Le métier de Management de Transition est un moyen de revitaliser le Bilan Carbone® et de le rendre plus efficace.

Quel rapport entre le Bilan Carbone®, outil créé par l’ADEME d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre (GES) et le Management de Transition, offre de service d'origine anglo-saxonne consistant à faire intervenir temporairement un manager dans une organisation pour redresser une activité, gérer une crise, améliorer les performances ou diriger un projet … ?

Il y en a pas à ma connaissance jusqu'à présent, mais il y a un grand potentiel de rapprochement de ces deux activités. Ceci est devenu une évidence lors d'un atelier organisé dans le cadre de la réunion annuelle des partenaires de CO2 Solidaire, organisme de compensation des émissions de GES. Le thème de l'atelier était l’Autre Bilan Carbone et les participants représentaient principalement des entreprises émettrices de GES et des sociétés de conseil spécialisées dans le Bilan Carbone®.

Voici quelques données pour planter le décor. L'étude « Bilan des Bilan Carbone® » de l’ADEME de novembre 2010 révèle que :

  • Près de 4 000 Bilan Carbone® ont été réalisés de 2004 à mai 2010
  • Près de 60% des maîtres d'ouvrage sont des PME, 33% des grandes entreprises
  • Le BC® répond à 3 besoins principaux : l’engagement citoyen (85% des réponses), identifier les leviers de réduction de coûts (79%) et renvoyer une image positive vis-à-vis des clients (77%).
  • Le Bilan Carbone® a un effet mobilisateur sur la mise en œuvre d’actions : 63 % des entreprises ont en effet déclaré que la réalisation de leur BC® les a « très certainement » convaincues de passer à la mise en œuvre d’actions de réduction.
  • Les plans d’actions issus BC® offrent peu de détail sur les conditions de mise en œuvre de ces dernières, contrairement aux exigences de l’ADEME. Les recommandations issues sont peu opérationnelles et nécessitent bien souvent des études complémentaires.
  • Sur les 600 actions renseignées par les maîtres d’ouvrage lors de l’enquête, aucune n’a fait l’objet d’un chiffrage en termes de coût de réalisation; l’estimation des gains prévisionnels (CO2 et euros) est par ailleurs extrêmement rare. La mission consistant à définir précisément les actions, les hiérarchiser en fonction d’analyses « coût-bénéfice » n’est pas intégrée dans la mission BC® telle qu’elle est aujourd’hui réalisée.
  • Les principaux types d’actions déclarées, consiste à modifier l’organisation de l’entreprise (39% des cas), changer les comportements comportement (35%) et investir (26%).
  • Seulement 40% des actions déclarées par les maîtres d'ouvrage ont été partiellement ou complètement mises en œuvre.
  • Les actions n’ont pas fait l’objet d’un chiffrage de gain.

En conclusion, en règle générale, le Bilan Carbone® permet de faire une photo d'une situation et d'émettre des recommandations, mais c'est une démarche qui est dans les faits insuffisamment orientée résultat et qui n'apporte aucune garantie de pérennité des progrès éventuellement réalisés.

Le thème de l'atelier des Rencontres CO2 Solidaire « l’Autre Bilan Carbone » avait donc pour but de proposer des remèdes à ces défauts. J'ai retenu des conclusions de cet atelier les propositions d’axes de progrès du Bilan Carbone® suivantes :

  1. Intégrer le BC® dans la stratégie d'entreprise avec une vision long terme
  2. Inciter la Direction de l'entreprise à s'y intéresser à lui démontrant les avantages et la nécessité de traiter la réduction d'émissions de GES d'une façon prioritaire
  3. Définir un plan d'action en coopération avec les parties prenantes, en précisant des objectifs clairs, chiffrés, cohérents, atteignables et incitatifs, avec des priorités et une identification des freins,
  4. Communiquer les objectifs et le plan d'actions,
  5. Mettre en place et communiquer des indicateurs adaptés
  6. Sensibiliser, former et manager les équipes

Cela ressemble parfaitement aux lignes directrices d'une mission de management de transition !

La réalisation d'un Bilan Carbone® de nouvelle génération nécessiterait donc de marier les compétences d'un cabinet conseil en stratégie carbone et d'un manager expérimenté dans la conduite du changement. Hors, les professionnels du Bilan Carbone® sont avant tout des consultants qui à ma connaissance n'intègrent pas l'entreprise pour mener de l'intérieur les changements qu'ils préconisent. Je vois donc 3 types d'organisation permettant la réussite de ce nouveau type de Bilan Carbone® :

  • Solution 1 : prise en compte par l'entreprise, à haut niveau, de toutes les dimensions du projet listées ci-dessus, supportée par le cabinet conseil en stratégie carbone. Mais cela nécessite temporairement la mise à disposition par l'entreprise de savoir-faire managérial de haut niveau rarement disponible.
  • Solution 2 : création du nouveau métier de « Manager de Transition Carbone », capable à la fois d'établir un Bilan Carbone® et de conduire opérationnellement les changements nécessaires, un oiseau rare. 
  • Solution 3 : réalisation d'un tandem constitué d’un Expert en Bilan Carbone® et d'un Dirigeant de Transition prenant en main la prestation depuis le bilan jusqu'à l'intégration de la démarche de réduction des GES dans la stratégie et le management de l'entreprise et le passage de relais à l'équipe dirigeante. C'est la solution que je préconise.

Toutefois, soyons réalistes, la mise en place de telles solutions nécessite de respecter 3 conditions :

  • Cette prestation étant plus coûteuse que le Bilan Carbone® traditionnel, l'évaluation de son impact et l'argumentation commerciale devront être très convaincantes
  • La démarche de réduction des GES ne peut être un projet indépendant, elle doit s'intégrer dans une démarche de progrès plus globale, par exemple de réduction des coûts, ou de Lean Management, ou de certification ISO 14000 (préservation de l'environnement) ou ISO 26000 (développement durable).
  • Le leader de cette démarche, que ce soit un manager interne, un Manager de Transition Carbone ou un Dirigeant de Transition en partenariat avec un Expert en Bilan Carbone®, doit être correctement positionné dans l'organisation. Je recommande qu'il soit au minimum membre du Comité de Direction.

Sans la mise en place de ce type de solutions, le Bilan Carbone® continuera à être une source de dépenses et de consommations de temps surdimensionnée par rapport à ses retombées en termes d'économie, d'amélioration de l'image de l'entreprise et surtout de baisse des émissions de gaz à effet de serre.

Didier Douziech

 

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Source de la photo : GERES

Commentaires

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Didier Douziech

Réactions par e-mail de trois dirigeants de cabinets de conseil en Développement Durable ou Bilan Carbone :
- "Je trouve l'analyse tout à fait juste et effectivement c'est dommage de se limiter à un seul enjeu du DD, Cela confirme que notre tandem de compétences est optimum pour des entreprises qui veulent renforcer leur pérennité en activant leur potentiel développement durable ..."
- " C’est intéressant, MAIS je pense que de toutes les manières, les cabinets qui n’apportent pas de solutions avec ROI finiront très bientôt d’exister … Pour en rediscuter"
- "Je suis parfaitement d’accord, il faudrait vraiment que je te présente le détail de notre accompagnement global en DD avec nos partenaires ..."

implant96

Intégrer le BC® dans la stratégie d'entreprise avec une vision long terme .. c'est le plus important

bons plans seniors

Grand merci pour cet article vraiment utile !

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